5 artistes contemporains africains qui réinventent l’art du textile

© Efie Gallery

À l’heure où la création contemporaine redonne ses lettres de noblesse aux techniques de tissage, les œuvres textiles se trouvent revitalisées par les démarches conceptuelles des créateurs actuels.

Longtemps négligées par les collectionneurs, les créations tissées et brodées sont de plus en plus présentes sur la scène artistique internationale. Le tissage, la broderie, et le tricot, progressivement, se défont de leurs préjugés. Au fil du temps, l’intégration régulière d’œuvres textiles dans les expositions de musées, biennales, et foires d’art internationales a permis de réhabiliter ces pratiques auprès des collectionneurs, qui les avaient autrefois jugées trop traditionnelles ou trop artisanales pour être pleinement reconnues dans le domaine de la création contemporaine.

En 2023, l’exposition « Sur le fil : broderie et tissage » était présentée à l’IFAN/musée Théodore-Monod de Dakar puis à la Galerie du 19M Paris à Paris. Il s’agissait d’une invitation à un voyage à travers époques et territoires, matériaux et techniques, styles et signes, célèbre la dextérité matérielle, révèle des savoir-faire ingénieux et témoigne de la richesse créative qu’offrent le tissage et la broderie que ce soit sur cuir, laine, soie, raphia, coton, synthétique

Bien que les œuvres textiles hautement valorisées restent l’apanage d’un nombre restreint d’artistes, comparativement au marché de la peinture ou de la sculpture, il est indéniable que la tendance évolue pour reconnaître et valoriser davantage cette niche créative. 

À travers l’ensemble du continent africain, l’art textile a eu un impact significatif, capturant l’essence des cultures et des esthétiques propres à chaque pays et région. 

Abdoulaye Konaté

Né en 1953 à Diré au Mali, Abdoulaye Konaté est une figure emblématique de l’art contemporain africain. Maîtrisant la tapisserie, la couture, la peinture et la sculpture, il privilégie le tissu comme matériau de prédilection pour ses créations. Dès le début des années 1990, Konaté se tourne vers l’art textile, explorant initialement le coton avant de s’orienter vers le bazin pour créer des fonds pour ses installations à portée socio-politique. Aujourd’hui, c’est depuis son atelier à  Bamako qu’il réalise des œuvres qui se situent à la croisée de la peinture, de la sculpture et de l’installation. Avec l’aide de son équipe d’assistants, il taille et assemble des bandes de tissu qui, juxtaposées et superposées, forment des pièces d’une grande maîtrise aux nuances chromatiques fines. Ses œuvres textiles, qui ont été exposées internationalement, ont atteint une renommée et une reconnaissance sans précédent sur le marché secondaire en 2023. 

© Efie Gallery

El Anatsui

Né en 1944 à Anyako, Ghana, et résidant actuellement à Nsukka, Nigeria, El Anatsui est un artiste de stature mondiale qui a été honoré par le prestigieux Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2015, marquant une reconnaissance exceptionnelle pour cet illustre ambassadeur de l’Afrique, qui avait été présenté pour la première fois en 1990.

Profondément enraciné dans ses origines, il voyage à travers le monde, captivant l’attention internationale avec ses œuvres réalisées à partir de matériaux recyclés. Ses célèbres tentures, aux éclats dorés, sont fabriquées à partir de capsules de bouteilles compressées, reliées entre elles par du fil de cuivre, dans un agencement complexe et détaillé qui fusionne textile, peinture et sculpture. Ses œuvres, souvent de dimensions monumentales (atteignant jusqu’à seize mètres de hauteur et cinquante mètres de large pour la façade de la Royal Academy à Londres en 2013), sont des sculptures métalliques éblouissantes qui valorisent des matériaux délaissés tout en portant une signification métaphorique profonde, reflétant un engagement tant culturel qu’environnemental. 

© October Gallery

Sanaa Gateja

Sanaa Gateja est un artiste multimédia et créateur de bijoux largement reconnu pour son utilisation signature de matériaux de déchets recyclés, en particulier sa manière novatrice de créer des perles à partir de papier jeté, ce qui lui a valu le surnom de “Roi des Perles” en Ouganda.

Il travaille également avec du tissu d’écorce, du papier, du raphia, du bois et de la fibre de banane, utilisant ses matériaux pour construire des pièces abstraites expérimentales de taille moyenne à grande qui se situent entre l’installation, la tapisserie et la sculpture et qui trouvent un équilibre entre valeur esthétique et conceptuelle. Gateja permet au matériel de s’exprimer dans son propre micro-cosmos et les “tisse” dans des narrations abstraites commentant les réalités sociales et politiques de son pays d’origine, l’Ouganda.

Gateja a étudié le design d’intérieur en Italie et la conception de bijoux à Goldsmiths à Londres. Il a exposé largement à travers l’Afrique et internationalement, y compris à la Karma Gallery, NYC, ARCOlisboa, INVESTEC Cape Town Art Fair, FNB Joburg Art Fair, Art Paris, AKAA Paris, Themes & Variations Londres, le Museum of Art and Design New York et à la 58e Carnegie International. 

Maliza Kiasuwa

 Maliza Kiasuwa est née en 1975 à Bucarest, d’une mère roumaine et d’un père congolais. Artiste autodidacte et multidimensionnelle, elle a grandi entre Kinshasa et Bruxelles, où elle vit et travaille actuellement.

Kiasuwa explore les questions d’identité et de lignée à travers la peinture, la couture et le collage. Elle revisite de vieilles gravures représentant des ancêtres paternels blancs et ventrus, les réimaginant avec des traits de l’art africain traditionnel dans un travail intime de métissage, rappelant le surréalisme. Elle associe également des matériaux faits à la main du Japon avec des objets trouvés autour de sa ferme. Kiasuwa embrasse le caractère et le vocabulaire antérieurs de ses matériaux choisis, mais en transfigure le contexte.

Ses principales sources d’inspiration sont la nature, la terre et le cosmos. Son intérêt pour les processus de transformation et de régénération découle du désir de comprendre le mystère du cycle de la vie. Les questions philosophiques et spirituelles sont au premier plan de son travail. Elle se décrit comme une tisseuse, car elle mélange des matériaux, des styles et des techniques qui ne sont pas censés se rencontrer, créant ainsi quelque chose d’unique. 

© Roots Collection

Suraj Adekola

 Suraj Adekola né en 1983, est un artiste nigérian vivant à Manchester, au Royaume-Uni. L’œuvre de Suraj est inspirés des récits post-coloniaux. Il relie les cultures, célèbre l’identité et honore l’héritage à travers la peinture, l’installation, le dessin et l’utilisation de matériaux contemporains et historiques. 

Dans sa série , “We should all be blacks”, il se penche sur la relation complexe entre le fait d’être noir en Grande-Bretagne, tirant parti des théories postcoloniales et des documents historiques. L’essence de son œuvre réside dans l’analyse des répercussions continues du colonialisme sur l’identité culturelle des communautés de l’Atlantique Noir. A travers la culture visuelle et le récit historique, il met en lumière les héritages durables d’oppression et de résilience.

Pour recevoir tous les mois nos actualités et une dose d’inspiration, inscrivez-vous: ICI

Suivez Art Kelen sur Facebook et Instagram, pour encore plus d’actualités et de contenus sur l’art contemporain d’Afrique.