Les griots d’Afrique, gardiens de la parole et maitre d’éloquence

© The Metropolitan Museum Of Art

Les griots au cœur de l’Empire Mandingue…

Gardiens de la tradition orale et musicale, poètes, musiciens ambulants et porteur de la parole, les griots sont  membres d’une caste sociale importante.

Ils sont nés dans l’Empire Mandingue. L’empire du Mali, appelé aussi l’Empire mandingue, est un État africain fondé au XIIIe siècle qui a connu son apogée au XIVe siècle. Il englobait une grande partie du territoire actuel du Mali, de la Guinée, du Sénégal, l’est du Niger et le sud de la Mauritanie en afrique de l’ouest.

Le griot est une figure emblématique et profondément respectée dans plusieurs sociétés d’Afrique de l’Ouest, incarnant à la fois le rôle de narrateur, de musicien, de chanteur et d’historien vivant. 

Ces individus sont essentiels pour conserver l’histoire, les traditions et les lignées familiales, en partageant leur connaissance à travers des histoires, des chants et des poésies de génération en génération.  On est griot par sa naissance, son sang. Être Griot ce n’est pas un métier, c’est une existence humaine!

Considérés comme les dépositaires de la mémoire collective et des sages culturels, les griots occupent une place centrale dans leurs communautés en tant que conseillers et conservateurs du patrimoine. 

Des talents multiples…

Les griots maîtrisent parfaitement: 

• Le savoir généalogique: Ils connaissent la science qui a pour objet la recherche de l’origine et l’étude de la composition des familles;
• L’art oratoire: ils savent s’exprimer en public et conserver l’attention du public;
• La pratique musicale: ils racontent les récits en musique  avec notamment une kora, sorte de harpe.

Il faut mettre en avant que, bien avant l’ère coloniale, la tradition littéraire en Afrique Subsaharienne était exclusivement orale et exprimée dans les langues locales. Cette tradition était principalement entretenue et transmise par les experts de l’oralité, en particulier par les griots, véritables dépositaires de cette parole. 

La littérature orale jouait un rôle dynamique au sein de la communauté, au même titre que d’autres activités essentielles telles que la chasse ou la construction. 

Un apprentissage approfondi…

Dans les communautés villageoises, l’apprentissage formel du futur griot ne débute qu’après sa circoncision, marquant son passage à l’âge adulte. Ce rôle est traditionnellement transmis de génération en génération au sein d’une même famille. 

L’apprenti griot se consacre alors à l’apprentissage et à la mémorisation de l’histoire et des généalogies des clans de son village et de sa nation. Il est courant qu’il se perfectionne également dans la maîtrise d’un ou plusieurs instruments musicaux. Cependant, la simple connaissance des généalogies et la compétence musicale ne suffisent pas à faire un excellent griot. Le jeune aspirant s’efforce d’abord de se lier à une famille politiquement influente pour bénéficier de sa protection. Malgré une spécialisation dans l’histoire d’une région ou d’un clan spécifique, un griot avisé évitera de se limiter à l’histoire d’une seule famille ou d’un seul clan, car la fortune et l’influence peuvent changer rapidement en Afrique. Une famille jusque-là inconnue peut soudainement gagner en prestige et en pouvoir politique, ce qui peut s’avérer périlleux pour le griot.

 La véritable habileté d’un griot se révèle souvent lors de ces changements d’influence : il doit faire preuve de ruse et ne jamais être pris au dépourvu, restant ainsi bien informé sur les divers clans de son village et de sa région. La connaissance étendue du griot lui confère une certaine mobilité. Les griots les plus estimés sont ceux qui, grâce à leur maîtrise des instruments musicaux, disposent d’une grande liberté pour narrer des histoires, qu’elles soient chantées ou récitées. Certains griots se concentrent exclusivement sur l’art oratoire, tandis que d’autres combinent leur narration, chantée ou non, avec l’accompagnement musical. Enfin, il existe des griots spécialisés uniquement dans le jeu d’instruments à vent ou à percussion. 

De multiples casquettes…

Ils exercent diverses fonctions : ils sont informateurs, gardiens des traditions religieuses et séculières (partageant ce rôle avec le forgeron), généalogistes, biographes, mais aussi animateurs de fêtes, capables d’imiter et de divertir. 

Au fil du temps, ayant la liberté de pratiquer leur art, les griots se sont distingués dans diverses manifestations culturelles, notamment en animant les veillées. Ces dernières perdurent, y compris dans les milieux urbains contemporains, où les conteurs partagent des épopées historiques, des contes et des récits extraordinaires, profitant de l’atmosphère nocturne propice à l’évocation du surnaturel et des esprits.

Durant les cérémonies funéraires, le griot chante les éloges du défunt et de sa famille, perpétuant la croyance que chaque personne doit connaître les hauts faits de ses ancêtres. Ainsi, il incombe à chaque tribu de transmettre oralement, via le griot, ses exploits et son histoire de génération en génération.

Le griot imitateur excelle dans la narration d’histoires épiques, en incarnant des figures célèbres ou historiques, et en animant ses récits avec des gestes, des imitations, et des mimes. Ces performances sont souvent accompagnées de danseurs masqués et d’acrobates.

Les griots bouffons et acrobates, quant à eux, se produisent fréquemment en groupe, entourés de musiciens, danseurs, bateleurs, échassiers, clowns, jongleurs, et magiciens, se faisant remarquer par leur critique sociale. Présents sur les places publiques lors des jours de fête ou dans les cours royales, ils divertissent, caricaturent, critiquent avec finesse et improvisent. Leur répertoire artistique est varié et le griot principal joue un rôle crucial d’éveilleur de conscience, tant pour le peuple que pour le roi, jouissant d’une liberté d’expression unique en public. 

Concernant la rétribution des griots, elle est perçue comme un don plus qu’une rémunération. Offrir une rétribution au griot est considéré comme un acte de générosité. Les personnes donnent un montant à leur discrétion.

Il est également important de souligner que les griots n’ont pas besoin de promouvoir leur talent d’éloquence. Naturellement présents lors des cérémonies, leur simple présence leur permet d’exercer leur rôle d’orateurs. Ils interviennent de manière spontanée, sans invitation, arrivant sur les lieux pour jouer et chanter.

Les griots d’hier à aujourd’hui…

Le griot a conservé son rôle social, bien que sa relation avec la communauté ait évolué. Malgré le mépris de certains, son importance en tant que force artistique et sociale est unanimement reconnue. Il s’est adapté à l’environnement urbain, adoptant des moyens de communication modernes. Le téléphone a pris la place des annonces par tambour, et le musicien, celle du troubadour. Ainsi, le griot utilise désormais les plateformes de radio et de télévision pour partager son talent naturel, renforcé par une réputation qui le légitime et le met en valeur. 

Le griot assume la fonction de maître de cérémonie lors d’événements ayant une importance patrimoniale, y compris les parades militaires, car il évoque les sagas qui mettent en lumière l’histoire de la nation. Il s’identifie comme un “communicateur traditionnel”. Cette nouvelle facette de son rôle représente une opportunité pour les gouvernements et les figures politiques, qui peuvent l’utiliser comme vecteur de communication au sein de la communauté, que ce soit lors de vastes campagnes de vaccination ou dans le contexte de crises politiques et sociales. 

Les griots sont également présents lors des mariages, décès ou baptêmes pour chanter les louanges de la famille des mariés ou du nouveau né.

La position du griot est perçue de manière assez contradictoire de nos jours. D’un côté, une large part de la population se réjouit de la présence d’un griot traditionnellement lié à sa famille pour les occasions sociales, tandis que de l’autre, son rôle jugé obsolète et sa prétendue « oisiveté » font l’objet de critiques dans le discours public. En effet, les montants distribués lors des cérémonies sont de plus en plus élevés.

Sans les griots qui transmettent encore aujourd’hui l’histoire la majorité des œuvres anciennes qui forment aujourd’hui le patrimoine social et culturel ouest africain seraient oubliées depuis longtemps.

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